The Amity Affliction est un groupe de metalcore, post-harcore et punk hardcore fondé en 2003 à Gympie, à environ 170 km au nord de Brisbanne en Australie, pays qui voit se développer une vraie scéne avec des groupes comme Deez Nuts, Parkway Drive, Polaris, Northlane, Make The Suffer ou encore (le groupe avec la nana qui chantr Like This)
Aujourd’hui le groupe compte 4 membres, Joel Birch au scream, Arhen Stringer à la basse et au chant clair, Dan Brow à la guitare et Joe Longobardie à la batterie.
Et vous allez voir que leur thème de prédilection, à savoir la dépression et la santé mentale, s'est imposé dès le début de leur histoire.
A l’origine, le groupe a été créé par Troy Brady, ancien guitariste qui est partie de The Amity Affliction en 2014 et Ahren Stringer. Le nom du groupe “The Amity Affliction” fait directement référence à un événement tragique qui a touché les deux fondateurs. En effet, un de leur ami décéde d’un accident de voiture à l’âge de 17 ans. Amity fait donc référence à l’amitié et Affliction qui désigne une tristesse profonde, un abattement à la suite d'un grave revers fait référence à la peine que le groupe à traversée lors du décès de leur ami.
Le groupe est en plus directement touché par les sujets de santé mentale. Par exemple, Ryan Burt, ancien batteur de The Amity Affliction arrivé à 17 ans, quitte le groupe en 2018 pour des raisons de problèmes de santé mentale. Sur le site Kerrang, nous pouvons lire un extrait du communiqué de TAA qui dit “Beaucoup d'entre vous savent que Ryan a récemment combattu des démons mentaux et a pris un congé fin 2016 pour demander de l'aide pour surmonter ces difficultés. Malheureusement, cela a été une lutte majeure pour lui sur la route. Cela a été très difficile pour nous de le voir traverser cela, mais cela a été encore plus difficile pour lui de monter sur scène et de tout donner pour les fans et le groupe chaque soir. Il l'a fait dans l'adversité lors des dernières tournées, ce dont nous lui sommes très reconnaissants.”
On comprend alors rapidement vers quel sujet le groupe va se tourner.
Tout au long de leurs différents albums, The Amity Affliction, par ses paroles parle ouvertement de dépression, de suicide, d’alcoolisme, du comportement de l’entourage face à une personne en dépression ou de la mort en elle-mêmes. D’ailleurs le nom des albums sont assez équivoques, traduit en français nous avons par exemple “A la poursuite des fantômes”, album qui a d'ailleurs créé la polémique, en effet, la pochette présente un homme pendu à un arbre alors l'album prône un message anti-suicide, “Cela pourrait être une crise cardiaque”, Tout le monde vous aime... Une fois que vous les avez quittés” ou encore “jamais sans mes fantômes”.
A noter que le dernier album “Not Without My Ghosts” est beaucoup plus sombre. Alors que leur précédents albums parlent ouvertement de dépression et de sujet liés à la mort, il y avait toujours une once d’espoir qui est beaucoup plus difficile à percevoir dans leur dernier opus.
Aujourd’hui, The Amity Affliction c’est donc 8 albums, ce sont des tournées chaque année en Australie, Amérique du Nord et en Europe, 1 500 000 écouteurs mensuels sur Spotify, à leurs sorties, plusieurs de leurs albums se sont positionnés à la seconde et première places des charts australien et ils ont reçues 5 nominations aux ARIA Awards entre 2010 et 2020
A ce jour, Arhen et Joël sont les deux plus anciens membres du groupe, ce sont eux qui continue à donner cette impulsion que le groupe a, à traiter l’ensemble de ces sujets liés à la lutte mentale.
Joel Birch, son histoire avec la dépression
Nous vous disions tout à l’heure que The Amity Affliction était directement impacté par la dépression qui est présente au sein même de leur groupe. Nous ne pouvions pas ne pas parler du cas de Joel Birch, le chanteur principal du groupe.
Arrivé en 2004 au sein de The Amity Affliction, Joel Birch à toujours parlé assez ouvertement de sa dépression que ce soit dans ses textes ou en interview. Il nous explique par exemple souffrir d’une dépression chronique, dont il aurait ressenti les premiers symptômes à l’adolescence sans pour autant être diagnostiqué
Arrêtons nous quelques instants sur ce qu’est la dépression chronique. Tout d’abord, d'après le site ameli.fr “la dépression ne désigne pas un simple coup de déprime ou une tristesse passagère mais une véritable maladie psychique.
Elle se caractérise par des perturbations de l'humeur (tristesse, perte de plaisir). L'humeur dépressive entraîne une vision pessimiste du monde et de soi-même. Elle dure plus de deux semaines et retentit de manière importante sur la vie quotidienne (perte du sommeil, troubles de l'appétit et du désir sexuel, perte des performances intellectuelles, isolement...)
La volonté seule ne permet pas de s'en sortir. C'est pourquoi elle doit être soignée pour ne pas se compliquer ou devenir chronique.”
Les causes et origines d’une dépression peuvent être biologiques, socio-démographiques, contextuelles ou encore liées à l’histoire personnelle de la personne. Aujourd’hui la dépression c’est par exemple près d’une personne sur cinq en France qui a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie. Dans ces cas les plus sévère, la dépression peut conduire au suicide qui chaque année représente au niveau mondiale près de 800 000 déces. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans.
Pour revenir au cas de Joel Birch, il souffre donc de dépression chronique, maladie qui a été diagnostiquée chez lui par une psychiatre. D'après le site qare.fr “un trouble dépressif récurrent, ou dépression chronique, se définit par la présence de symptômes de dépression pendant au moins 2 ans. Il peut y avoir des périodes d’amélioration ponctuelles, mais qui ne durent jamais plus de 2 mois. On parle également de trouble dysthymique.
On peut rapprocher la dépression chronique de la dépression récurrente ou récidivante : dans ce cas, les épisodes dépressifs sont espacés d’au moins 6 mois”
Et le site fondation-fondamental.org complète “La dépression peut connaître une évolution chronique et ses complications peuvent être sérieuses. En effet, le risque de rechute après un épisode dépressif est possible. Dans 50% à 80% des cas, il peut survenir dans les cinq années après un premier épisode.”
Nous comprenons maintenant mieux ce qu’est une dépression et une dépression chronique et au fil de ces différentes interviews, Joel Birch donne pas mal de conseils et de pistes de réflexions sur la dépression.
Par exemple, Joel dévoile que les maladies mentales sont assez courantes dans sa famille. Comme nous le précise l’Institut du cerveau [la dépression n’est pas une maladie héréditaire, elle ne se transmet pas. Cependant il existe une prédisposition à développer ce trouble chez les personnes porteuses de variants génétiques, dont la plupart sont encore inconnus aujourd’hui. Cette composante génétique de prédisposition explique en partie les cas familiaux. On estime qu’une personne dont l’un des deux parents a souffert d’un épisode dépressif majeur présente 2 à 4 fois plus de risque d’être dépressive que la population générale.
Autre point très intéressant dans le discours de Joël, c’est qu’il appelle à ne pas trop en vouloir à ces proches s’il ne réagissent pas forcément de la façon dont on l’espère face à notre propre dépression, il résume cela d’ailleurs en une interrogation en disant "Comment étaient-ils censés réagir à quelque chose dont, comme moi, ils n'étaient pas conscients ?”.
Joel soulève alors tout le problème de notre société où les problématiques liées à la santé mentale sont encore trop méconnues et des groupes comme The Amity Affliction contribue d’ailleurs à démocratiser ce sujet.
Enfin, Joel Birch explique que la simple écoute d’un ami en souffrance peut lui venir en aide. Dans son cas, il a pu ouvertement dire à certains de ses amis ["J'ai un problème et voici la situation : Je ne peux peut-être pas l'expliquer complètement, mais j'ai souvent l'impression que je ne veux pas être ici ou que je veux mourir. Je n'ai pas d'explication rationnelle à ce sentiment. Voici ce que disent les médecins ; voici les médicaments que je prends et leurs effets secondaires potentiels".
L’aide que nous pouvons donner est souvent beaucoup plus simple que ce que nous croyons. Et quand bien même énormément de personnes ne souhaitent pas parler de leur dépression, savoir qu’ils peuvent compter sur vous peut déjà faire une différence énorme.
Nous rappelons qu’en France, que des de nombreuses associations existent, composés d’écoutant formés à une écoute anonyme, apolitique et aconfessionnelle. Nous pensons particulierement à Suicide Ecoute qui est disponible au 01.45.39.40.00 7j/7 et 24h/24 !
Pourquoi avons-nous honte de parler de la dépression ?
Avec son discours en ce qui concerne les difficultés à parler de dépression dans notre société, Joel Birch soulève une autre question : pourquoi avons-nous honte de parler de dépression ? Nous vous proposons une piste de réflexion.
Comme le relèvent Eva Illouz et Edgar Cabanas dans leur livre “Happycratie” nous sommes désormais responsables, en tant qu'individus, de notre état psychique résultant du mariage entre la psychologie positive et le système néolibérale. Pire, le bonheur et le développement de son “moi” profond sont des ingrédients de la réussite comme défini aujourd’hui dans notre société, ou comment mettre toujours plus de pression sur nos épaules comme le décrit “Happycratie”.
Les société néolibérales qui se caractérisent entre autres par la responsabilisation de l’individu au détriment de la société, la maximisation constante et sans limites de son capitale ou encore la vénération via la théorie du ruissellement des ultra-riches sont néanmoins des sociétés très individualistes et inégalitaires. Mais, selon certains adeptes de la psychologie positive, les inégalités permettent aux contraires l’émergence du bonheur car elles nous poussent à devoir nous optimiser en permanence, à maximiser notre authenticité … Une quête qui serait donc source de bonheur, dans une société où nous prônons le mérite et des conditions de compétition équitables dans un système … inégalitaire
Cet environnement sociétal peut expliquer pourquoi nous pouvons ressentir de la honte en ce qui concerne une dépression. D'après passeportsante.net la honte “se déclenche à chaque fois que l’on se trouve en défaut par rapport à des règles sociales, que l’on ne se sent pas suffisamment à la hauteur des standards des autres et de ce que nos proches attendent de nous. Il s’agit d’un sentiment d’infériorité envahissant, un sentiment d’humiliation lorsque l’on prend conscience qu’autrui est témoin de nos insuffisances et qu’il se mue en juge. Restent alors la sensation d’être rabaissé sous le regard des autres, la honte de ce que l’on est. La honte est une blessure grave de l’estime de soi qui tend à laisser seul face à une souffrance morale et à un repli sur soi-même.”
Dans une société où la norme devient la recherche du bonheur, l’optimisation constante de son “moi authentique” des choses inaccessibles pour des personnes en dépression, comment alors ne pas avoir honte de parler de ses souffrances ?
Toujours d’aprés passeportsante.net “le lien avec la dépression est particulièrement fort. Considérée comme une émotion centrale dans le trouble de la personnalité, elle peut être également liée à un comportement d'automutilation, à une suicidalité chronique et à la colère-hostilité.”
Ce modèle de société qui est hyper responsabilisant fait d’ailleurs lui-même partie du problème à la source : il est culpabilisant !
Une personne qui échoue ou qui n’est pas assez heureuse : c’est de sa faute, qu’importe nos conditions d’existences. Tout est une affaire personnelle et non contextuelle. Prendre cela en pleine tête peut-être extrêmement ravageur sur le plan de notre santé mentale.
De plus, les émotions négatives sont considérées comme non-fonctionnelles et contre-productives, ce qui semble être problématiques dans une société capitaliste et néolibérale et même comme synonymes de santé mentale incomplète par les scientifiques du bonheur alors même que ces émotions dites négatives sont parfois essentielles dans un processus de rébellion et de remise en cause d’un ordre établi.
Enfin, la souffrance est de plus en plus comme privatisée. Dans une société où la norme est la quête sans fin de son optimisation et d’un bonheur qui est désormais autocentré (l’extérieur étant vu comme comme incertain donc non maîtrisable à défaut de notre exploration intérieur) nous devenons moins disponible et empathique à la souffrance des autres, alors que comme le rappelle Joel Birch, le fait même d’en parler à un ami peut déjà être un premier pas. La personne doit alors se tourner constamment vers des professionnels ce qui est d’autant plus compliqué dans une société ou la souffrance mentale est tabous.
La phrase préférée des guides du développement personnel “devenir la meilleure version de soi-même” est à elle seule problématique. On ne sait pas ce qu’elle veut dire, elle est basée sur l’exploration d’un “moi” profond que de nombreux scientifiques et philosophes remettent en cause et est inscrite dans cette idée néolibérale d’une optimisation sans fin de soi … Ce qui est impossible, absurde mais en devient anxiogène quand celle-ci est dressée comme une norme.
Comment une personne en dépression peut être comprise voir ne pas ressentir de la honte ou culpabiliser dans ce contexte sociétale, d’autant plus avec ce genre discours que relève cfve.be : Pour les chercheurs en psychologie positive, « les circonstances de vie ne sont pas les clés du bonheur » : les conditions d’existence (économiques, culturelles, sociales, politiques) n’ont que peu d’influence sur le degré de bonheur. Non, ce qui compte avant tout c’est de vivre dans une société qui encourage les individus à poursuivre leurs propres objectifs : si c’est le cas et que la personne fait les bons choix, le bonheur lui tend les bras.”
Non, bien sûr que non, ce n’est pas aussi facile que cela !
En conclusion ...
Des groupes comme The Amity Affliction permettent véritablement à certaines personnes de ne pas se sentir seules face à leur problèmes. Et comme aime le répéter The Amity Affliction, ils n’ont en réalité pas vraiment de réponses à apporter. C’est une idée très présente dans leur paroles où nous pouvons lire par exemple “ne vous appuyez pas sur moi pour obtenir de l'aide, parce que je suis exactement dans le même bateau que le reste d'entre nous”
Nous ne pouvons que vous conseiller, si vous êtes dans cette situation, en dépression, de vous tourner déjà vers une oreille attentive que ce soit un de vos proches, une association comme Suicide Ecoute et bien sur des professionnelles de la santé mentale qui sauront vous accompagner dans votre processus de guerison.
Mais surtout ! Ne vous mettez aucune pression à trouver le bonheur, le bonheur ne naît pas d’une formule toute faite mais souvent de l’incertitude de la vie. Ne culpabilisez donc jamais de l’état de votre santé mentale, ce n’est pas vous la ou le responsable !
Sources et crédits photos
https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/depression-troubles-depressifs/comprendre-depression
https://www.qare.fr/sante/depression/chronique/
https://www.fondation-fondamental.org/les-maladies-mentales/depression-resistante
https://institutducerveau-icm.org/fr/depression/causes-facteurs-personnes-risques/
https://www.passeportsante.net/fr/psychologie/Fiche.aspx?doc=honte-depasser-sentiment-honte
https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2019-4-page-813.htm
Crédit photo :
Ryan Huber
Chelsea Lauren
Wall of Sound and Emanuel Rudnicki