Les réseaux sociaux, symptômes de l'accélération de notre monde ?

Pour essayer de comprendre pourquoi les médias sociaux et plus particulièrement les réseaux sociaux pouvaient entraîner un état de mal être, nous nous sommes intéressé au rythme de ces derniers en constante accélération et qui peut-être le détonateur de multiples problèmes.

Accélération des communications

Nous avons tous eu ce sentiment de manquer de temps, que tout va plus vite, qu’il faut courir toujours plus vite et il est vrai que nous vivons dans une société où nous pouvons observer un réel processus d’accélération dans certains domaines sociaux.

Le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa à d’ailleurs travailler sur ces notions d’accélération qu’il décompose en trois dimensions :

  • L’accélération technique qui désigne les déplacements et communications plus rapides
  • L’accélération des changements sociaux : changements plus rapides des habitudes et des modes
  • L’accélération du rythme de vie : nous essayons de vivre plus vite car nous avons l’impression d’un manque de temps permanent.

Et les réseaux sociaux catalyse à eux seuls en quelques sortes ces trois dimensions d’accélération : 

  • Depuis plusieurs décennies la communication est de plus en plus rapide voir instantanée à tel point que nous pouvons être informé en temps réel de ce qui se passe à l’autre bout du monde, une personne “lambda” muni d’un téléphone peut filmer une scène et la partager instantanément sur ses réseaux sociaux contrairement une époque où via les journaux, nous recevions une fois par jour de l’information locale.

  • Il y a sans cesse de nouveaux réseaux sociaux qui émergent, donc de nouvelles façon de communiquer, avec chacun leurs codes, leurs modes et  leurs algorithmes. A peine nous nous sommes habitués à une plateforme qu’une nouvelle arrive, parfois même de façon éphémère, ce qui entraîne des changements d'algorithmes de la part des anciennes plateformes qui souhaitent s’adapter pour continuer à exister. Nous trouvons la même mécanique avec l’information qui est sans cesse renouvelée.

  • Tout ce contenu mis à dispositions provoque un sentiment de manque de temps car avec l’accélération il y a une injonction à vouloir goûter la vie dans toutes ses dimensions, comme tout va plus vite, nous pensons que nous pouvons faire beaucoup plus de choses. Avec les réseaux sociaux cela peut se traduire sur le fait qu'en tant que producteurs de contenus, comme tout va plus vite et plus facile à faire, nous pensons que nous pouvons créer du contenu pour toutes les plateformes alors qu’en fait, cumulé cela prend énormément de temps ce qui renforce cette impression de manquer de temps. 

Du côté des spectateurs nous souhaitons tous regarder ce qui est extrêmement chronophage et qui nuit à d’autres activités. Il y a tellement d’options qui s’offrent à nous de plus en plus rapidement que nous exprimons le fait de ne pas avoir assez de temps pour tout faire,  nous ne faisons alors que surfer entre elles à toute vitesse pour en faire le maximum, alors même que le nombre de potentialités resteras toujours supérieurs à ce que nous pouvons faire réellement. De plus, il y a d'ailleurs une injonction à faire le plus d’expériences possibles dans sa vie pour la réussir, atteindre une vie bonne. La conséquence de tout cela c'est qu’au final, nous privilégions alors ce qui engendrent des satisfactions faibles, de court terme, qui demande moins d’effort, mais garanties (divertissement), délaissant les investissements de longue durée (l’écriture, l’art, la pensée). Nous n’avons alors plus le sentiment de vivre.

Il est à noter que les différentes types d’accélération s’auto-alimentent, par exemple l’accélération des changements sociaux influent notre rythme de vie qui influe sur le rythme technique pour accompagner l’accélération du rythme de changement social et inversement.

Et nous retrouvons ce schéma avec les réseaux sociaux où l’accélération de notre rythme de vie va de paire avec l’accélération des formats et les rythmes des contenus et qui se renouvellent régulièrement. Concrètement les vidéos sont de plus en courtes et rapide, nous le voyons très bien avec les contenus comme les reels, tik-tok ou short sur Youtube qui sont souvent des vidéos de quelques dizaines de secondes et extrêmement dynamique ce qui permet également de passer d’une informations à une autres en un rien de temps. Et cela fonctionne très bien car elles permettent justement une multitude d’expériences et de petites satisfactions garanties en collant à notre rythme de vie qui s’accélère toujours plus, nous sommes un peu dans un cercle vicieux. Et finalement même les contenus longs sur Youtube, sont presque des “faux” contenus longs. Par exemple les vidéos de Squeezie comme “Qui est l’imposteur” sont une succession de manches qui s'enchaînent mais qui ne sont sont pas interconnectées entre elles comme ça peut être le cas sur des jeux télé. Elles pourraient très bien être découpées en plusieurs petites vidéos indépendantes.

Surcharge informationnelle et cognitive

Sur le site dygest.co qui analyse le travail de Hartmut Rosa nous pouvons lire que “d’un point de vue subjectif, les individus expriment cette impression de temps qui passe plus vite, ou bien trop vite. D’un point de vue objectif, les études sur l’emploi du temps montrent que le temps passé à des tâches quotidiennes (dormir, se promener, etc.) tend à se raccourcir, d’une part, et que les individus effectuent de plus en plus une multiplicité de tâches en même temps (téléphoner en regardant la télévision et en cuisinant par exemple), d’autre part. C’est ce que les anglophones appellent le multitasking (multitâches).

Il faut comprendre que le fait d’être en mode multitâches nous fait entrer dans une situation de surcharge cognitive et plus largement de surcharge informationnelle en ce qui concerne les réseaux sociaux … et c’est peut-être là que nous touchons du doigt les enjeux concernant notre santé mentale.

D'après Wikipédia, La surcharge informationnellesurinformation ou infobésité , est l'excès d'informations, qu'une personne ne peut traiter ou supporter sans nuire à elle-même ou à son activité. Cette notion est également évoquée par le sociologue Edgar Morin sous l'appellation de « nuage informationnel »

La multiplication des contenus dû à la multiplication des plateformes et des médias sont un vrai terreau à cette surcharge informationnelle. De plus, notre système capitaliste entraîne également un surplus d’informations et de communications. Par exemple, un créateur de contenus pour qu’il puisse continuer à être visible dans un monde où l’information et la nouveauté va et se renouvelle plus vite et où les individus sont mis en compétition, doit produire toujours plus de contenus sur toujours plus de plateforme et toujours plus vite, ce qui entraîne pour le public une surcharge informationnelle. Comme le dit Hartmut Rosa, l’accélération dans nos sociétés n’est alors qu’un moyen de maintenir la tête hors de l’eau.

Quelques chiffres montrent à quel point nous sommes submergés d’informations, par exemple dans les années 2000 il existait 100 000  blogs dans le monde ce chiffre a été multiplié par 6000 puisqu’aujourd’hui nous en compte 600 millions, pareils du côté des série TV qui sont passé de 210 séries produites en 2009 à plus de 500 en 2021.

Et les conséquences de cette surcharge informationnelle sont multiples ! 

Déjà d’un point de vue démocratique. En effet, une personne en surcharge informationnelle peut être tenter de couper les sources d’informations pour ne plus avoir les subirs. De plus, en situation de surcharge informationnelle, un individu va avoir du mal à hiérarchiser les informations, de ne plus être capable de démêler le vrai du faux (et nous le voyons avec la profusion des fakes news) et donner le même crédit en ce qui concerne par exemple la parole de quelqu’un de lambda vis-à-vis d’un scientifique. Comment alors prendre de bonnes décisions par exemple en allant voter ? Le risque également et de ne pas aller voter.

Cette surcharge informationnelle à également des conséquences sur notre santé mentale, comme par exemple des troubles de l’attention, de concentration, le sentiment de ne pas être à la hauteur ou de la fatigue car notre cerveau ne se repose plus ce qui engendre du stress, des burn-out, des dépressions ou encore de l’anxiété en étant davantage exposé à la vie privée d’autrui et donc qui augmente la comparaison.

Et cette réalité existe autant du côté des consommateurs que des créateurs de contenus qui sont poussés à sortir du contenu toujours plus produits et grandioses pour continuer à exister et recevoir un niveau d’attention, des likes, des vues élevés. Dernièrement de nombreux youtubers ont d’ailleurs parlé de burn-out comme Mc Fly et Carlito, Squeezie ou encore Mastu.

Et finalement, nous n’avons plus vraiment de prise sur ce mouvement d’accélération de la communication, qui est comme une roue qui tourne toujours plus vite et qui entraîne cette surcharge informationnelle ! 

Comme nous le disions tout à l’heure, c’est notre système capitaliste basé sur la compétition entre individus et la responsabilisation de sa vie qui, dans le cadre des communication créé cette surcharge informationnelle en obligeant les créateurs de contenus qui par peurs de ne plus faire partie de la course s'ils se mettent par exemple à un moment en retrait, de créer alors toujours plus de contenus avec des formats toujours plus rapide et facile à produire et à consommer pour coller à notre rythme de vie en accélération. De plus, pour accompagner cette production et consommation de contenus nous utilisons des technologies qui évoluent tellement vite que nous avons du mal à les maîtriser complètement.

Comme nous le disions tout à l’heure, c’est notre système capitaliste basé sur la compétition entre individus et la responsabilisation de sa vie qui, dans le cadre des communication créé cette surcharge informationnelle en obligeant les créateurs de contenus qui par peurs de ne plus faire partie de la course s'ils se mettent par exemple à un moment en retrait, de créer alors toujours plus de contenus avec des formats toujours plus rapide et facile à produire et à consommer pour coller à notre rythme de vie en accélération. De plus, pour accompagner cette production et consommation de contenus nous utilisons des technologies qui évoluent tellement vite que nous avons du mal à les maîtriser complètement.

En tant que consommateur cette accélération nous amène à zapper toujours plus vite d’expériences en expériences pour en consommer le plus possible et répondre ainsi à l’injonction de remplir sa vie au maximum pour la réussir, ce qui contribue à s’exposer à cette surcharge informationnelle dans le cadre des réseaux sociaux. Cependant ce sont des expériences que nous ne pouvons pas nous approprier car elles sont uniformes pour tous les individus et nous ne les vivons plus en profondeur car elles deviennent trop rapides. Cela renforce alors ce sentiment de manquer de temps, entraîne de l’épuisement, les différentes conséquences sur notre santé mentale que nous avons évoquées, de la culpabilité (comme nous sommes désormais responsables de nos échecs, de notre bonheur …) et une désynchronisation entre nous et le monde.

Comprenons ici que l’accélération devient alors une forme d'aliénation où nous résilions nos libertés pour nous soumettre aux lois du marché, aux attentes de la société elles-mêmes entraînés dans cette roue de l’accélération. Pour revenir aux réseaux sociaux, nous créons et subissons notre propre surcharge informationnelle, qui n’est pas quelque chose que nous désirons à la base mais que nous alimentons parfois nous même.

Mais alors pourquoi nous nous infligeons cela ?

Du côté “créateurs de contenus” comme nous l’évoquions, il y a la peur de disparaître que la mise en compétition des individus intensifie si nous ne produisons pas régulièrement et fréquemment du contenu, tout comme certains ont besoin de recevoir des shoots de récompenses comme les likes, mais il est également intéressant de noter que de plus en plus de personnes se mettent également à produire du contenu.

Tout d’abord, car aujourd’hui créer et consommer des contenus est de plus en plus facile, avec un smartphone nous pouvons alimenter à la fois un compte instagram, tik-tok, voir Youtube et un podcast. Nous pouvons littéralement tout faire avec cet outil.

De plus, les réseaux sociaux entretiennent en quelque sorte le mythe du self made man et de la méritocratie, qui véhicule l’idée qu’en partant de rien, avec du travail, nous pouvons réussir, notamment financièrement et matériellement. C’est le mythe qui permet de devenir maître de sa vie et ainsi réussir sa vie selon notre société.

Et il est vrai que nous nous identifions facilement à nos créateurs de contenus préférés que nous avons vu commencer dans leur chambre avant de grandir, au final ils sont comme nous ! Les réseaux sociaux sont un nouveau moyen de réussir sa vie. Seulement, si certains réussissent, combien échouent ? Nous ne voyons que ceux qui réussissent, cela s’appelle le biais du survivant, et bon nombre de créateurs qui font parfois du contenu intéressant ne perceront jamais. Le Youtubeur Linguisticae a d’ailleurs consacré une vidéo à ce sujet .

Au final ce mythe de la méritocratie qui est exacerbé sur les réseaux sociaux par la facilité à produire et consommer du contenu sur les plateformes participe à intensifier toujours plus la vitesse de la roue dans laquelle nous sommes enfermés.

Enfin du côté des consommateurs, comme nous avons commencé à en parler, c’est le fait que regarder du contenu engendre des satisfactions faibles, de court terme mais surtout sans investissement ou sans efforts conséquent de notre part, qui permet alors de multiplier les expériences. C’est le propre du divertissement. Toutes ces satisfactions, comme les likes ou regarder du contenu, sont des récompenses et cela va nous procurer des doses de dopamines que nous sommes tentés d’aller chercher de plus en plus fréquemment en consommant et postant du contenu, provoquant un effet d’addiction aux réseaux sociaux.

Et s’il y a bien une plateforme qui cristallise tout ce que nous venons d’évoquer c’est peut-être Tik-Tok ! Tik-Tok c’est le réseau des formats courts, hyper-dynamique, qui supprime le temps de pause entre deux vidéos, qui facilite la création de contenus,  il y a un flux constant de contenus où même certains vidéastes postent plusieurs fois par jour, où l’on a vu percer des créateurs inconnus du jour au lendemain alors que bon nombre peine à décoller. Mais Tik-Tok c’est aussi la plateforme qui est souvent pointée du doigt pour les nombreux cas d’addiction engendrés par celle-ci et parfois même des troubles cognitifs irréversibles chez les plus jeunes comme des troubles de l’attention et de concentration.

En conclusion

Alors oui, nous n’avons pas abordé dans cette vidéo l'ensemble des problématiques des réseaux sociaux notamment en ce qui concerne le cyber-harcèlement.

Pareillement, nous n’avons pas abordé en profondeur le lien entre dépression et réseaux sociaux qui peut-être plus complexe que ce que nous pensons, nous vous mettons un article sur sujet dans les sources. 

Ce qui était intéressant, c’était de faire un parallèle entre le travail sur l’accélération de Hartmut Rosa et les réseaux sociaux qui représente à eux seuls dans leur forme et leur évolution cette théorie.

D’ailleurs une des conséquences qui relève Hartmut Rosa est une désynchronisation entre le monde et nous qui ne cohabite plus sur le même rythme et les réseaux sociaux participent à ce phénomène, d’ailleurs nous parlons d’une vie digitale et d’une vie réelle.

Enfin, cette désynchronisation couplée aux conséquences sur notre santé mentale que les réseaux sociaux provoquent comme les troubles de l’attention, le stress ou la fatigue nous rendent de moins en moins attentif au monde qui nous entoure et à sa beauté et sa réalité.

Retenons aussi qu’en un certain point, l’accélération sert notre culture capitaliste et néolibérale en augmentant nos capacités de production et de consommation qui sont toujours plus rapides et diverses.

Nous ne pouvons que vous conseiller de prendre le maximum de recul sur tout cela et d’essayer d’identifier à quel point l’accélération impact votre vie même si cela peut-être une réflexion qui prendra du temps avec une récompense incertaine et qui ne sera peut-être pas immédiate.

Sources

https://www.sudouest.fr/societe/fatigue-informationnelle-quand-trop-d-info-tue-l-info-14601139.php / https://www.maxpiccinini.com/surcharge-cognitive/

https://www.nerepix.fr/Addiction-aux-reseaux-sociaux-hyperconnexion-et-burn-out / https://hellocare.com/blog/medias-sociaux-sante-mentale/ / https://digitalmediaknowledge.com/medias/les-reseaux-sociaux-creent-ils-une-dependance-et-quels-en-sont-les-effets-notamment-chez-les-jeunes-%EF%BF%BC/ )

https://www.santemagazine.fr/actualites/la-relation-complexe-entre-les-medias-sociaux-et-la-depression-335390 

https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/la-fatigue-informationnelle-une-question-de-sante-publique-pour-la-senatrice-sylvie 

https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2007-3-page-149.htm 

https://www.usinenouvelle.com/blogs/le-blog-des-experts-des-neurosciences/la-surcharge-cognitive-au-travail-sommes-nous-en-capacite-d-agir.N737779 

https://www.unine.ch/blog/home/campus/surcharge.html

https://www.penser-et-agir.fr/surcharge-informationnelle/ 

http://natacharozentalis.blogspirit.com/archive/2018/11/04/tout-va-trop-vite-hermut-rosa-theorie-critique-de-l-accelera-3125953.html 

https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2014-3-page-78.htm 

https://journals.openedition.org/lectures/990#:~:text=Le%20concept%20d'acc%C3%A9l%C3%A9ration%20sociale,(notion%20reprise%20%C3%A0%20Simmel)

https://metreya.org/2018/06/29/acceleration-le-nouveau-totalitarisme-moderne/ 

https://www.dygest.co/hartmut-rosa/alienation-et-acceleration

https://fr.wikipedia.org/wiki/Surcharge_informationnelle

https://everlaab.com/infobesite-comment-gerer-la-surcharge-informationnelle/#:~:text=de%20fa%C3%A7on%20g%C3%A9n%C3%A9rale.-,L'infob%C3%A9sit%C3%A9%20est%20source%20de%20stress,%2C%20une%20

notification%2C%20un%20email.

https://www.youtube.com/watch?v=ezdtQIrO8oI

https://www.santemagazine.fr/actualites/la-relation-complexe-entre-les-medias-sociaux-et-la-depression-335390

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