A l'heure de la crise écologique que traverse actuellement le monde, est-ce que les gros festivals comme le Hellfest ont encore leur place ? Doivent-ils évoluer eux aussi ?
Suite à l'article de bonpote.com, Peut-on séparer le bilan carbone de l’artiste ? et celui de telerama.fr, en lien avec ce dernier (qui mentionne notamment le Hellfest et des groupes comme Rammstein ou Coldplay), les chiffres indiqués nous ont interpellé.
Par exemple :
- Rammstein, compte près de 100 semi-remorques, 7 avions cargo pour ses tournées et brûle pas moins de 1000 litres de fioul pour ses effets pyrotechniques à chaque concert.
- Coldplay, pour sa tournée écologique, se déplace avec deux kits de 32 semi-remorques.
- Encore un dernier avec le Hellfest qui a utilisé 300 000 litres de fioul pour s'alimenter en électricité lors de l'édition de 2022. En plus de cela, avec les très fortes chaleurs enregistrées, l'arrosage du public a été décidé alors que le département de Loire-Atlantique, où se passe le festival, était au bord de la sécheresse. Les agriculteurs, au même moment, n'avaient quasiment plus accès à l'eau et les pompiers n'étaient pas sûrs que les nappes phréatiques tiendraient la durée du festival.
La question à se poser est alors si nous devons encore cautionner cela alors que certains professionnels indépendants, spécialistes des questions environnementales et climatiques en lien avec la culture disent clairement de stopper cette frénésie.
Le problème c'est que nous ne nous demandons pas forcément l'impact que ce genre d'événements peut avoir et encore moins celui d'un groupe de musique a sur l'environnement car ce sont des choses qui sont normalisées. Dans notre société, il est normal qu'il y ait des groupes de musiques qui font des grosses tournées et des festivals car ce sont des choses que nous avons toujours connues. Par habitude, nous avons dû mal à remettre en cause l'existant.
Des pistes de réfléxions
Le but ici, est d'apporter une réflexion sur les pratiques et comment elles peuvent évoluer.
Cela permet de développer nos réflexions personnelles sur le fonctionnement de notre société et nous-mêmes sur notre propre projet avec Since Nothing.
Un des problèmes majeurs est que ce sont les groupes eux même qui affichent fièrement qu'ils consomment par exemple 1000 litres de fioul par concert, qu'ils ont 100 semi remorques pour une tournée et que cela est normal car il faut pouvoir proposer au public un événement incroyable. Le Hellfest lui, se targue d'avoir créer le deuxième parking le plus grand de France en rasant 35 hectares de vignes où de consommer 300 000 litres de fioul en 2022 est ainsi être “le plus gros chantier électrique éphémère de France”.
Ce schéma se retrouve dans d'autres domaines. Par exemple la cofondatrice d'une marque de biscuits, affichent avoir fait 500 heures d'avion en 2022 pour fabriquer des machines sur mesures et sauver leur entreprise qui était en difficulté. Mais la vraie question doit être plutôt : est-ce qu'il est normal que ce genre d'initiatives existent encore aujourd'hui ? Si il y'a besoin d'en arriver là, est-ce que ce n'est pas plutôt le modèle qui ne fonctionne pas ?
Notre société nous pousse à toujours faire plus ou produire plus car nous sommes dans une économie de marché et dans un imaginaire ou la réussite passe par la croissance. Quand on se lance dans un projet (groupes, entreprises etc) et que nous voulons y passer du temps, il y a alors une question de rentabilité économique à atteindre pour pouvoir en vivre, faire progresser le projet et donc continuer à y passer du temps.
Cela passe par produire plus ou pour des groupes, faire des concerts encore plus fous dans le but d'attirer du public. L'article de bonpote.com, nous apprend également que les artistes sont dépendants de modèles hyper énergivores. Ils dépendent de plus en plus des tournées et des festivals parce que les streaming est mal rémunéré et la vente de CD s'est effondrée.
Avec Since Nothing si nous voudrions en vivre, il faudrait que nous vendions environ 400 t-shirts par mois et ça, pour se verser un petit salaire. Nous n'avons pas envie de produire autant mais dans une société capitaliste comme la nôtre, nous serions obligés de le faire pour en vivre sans nous poser la question si notre société et notre planète ont besoin d'une telle production supplémentaire.
Aujourd’hui, nous pensons qu’il faut se poser la question et faire la part des choses entre les choses dont nous avons envi et les choses dont nous avons réellement besoin et qui est supportable à produire pour la terre.
Un nouveau model de société
La recherche sans cesse de croissance économique, en plus d’être une source d'inégalité et de multiples pathologies concernant notre santé mentale, pousse à une énorme surproduction qui n'est aujourd'hui plus soutenable. Faire de l'écologie en profondeur passe par un gros changement du mode de fonctionnement de notre société.
Il faudrait par exemple, réapprendre à produire le nécessaire et à sortir d'une logique d'économie de marché où la production et le travail sont au centre.
Comme le proposait Bertrand Russell, un économiste et philosophe anglais du XXème siècle, nous pourrions seulement travailler 4h par jour et avoir le reste du temps libre pour faire des vraies activités. Le but ici pourrait être d'apporter une contribution sociale pour faire marcher notre société et avoir du temps pour développer ses projets et ses idées mais sans objectifs financiers pour en vivre.
Si nous creusons un peu plus loin, nous pouvons notamment répandre l'idée du revenu universelle qui garantit des ressources pour vivre sans chercher une croissance absolue.
Produire le nécessaire, c'est aussi réapprendre à se concentrer sur l'essentiel. Nous vivons dans beaucoup de superflu et certains métiers sont nés dans cette logique comme le marketing, la pub, des métiers dans le digital qui servent à vendre la surproduction et à occuper les gens par le travail.
Se concentrer sur l'essentiel, c'est réapprendre à s’émerveiller de notre quotidien et avoir le temps de faire les choses correctement. C’est également potentiellement réduire l’émergence de certaines pathologies comme les burn-outs ou l’anxiété. C'est réapprendre à avoir du temps et d'avoir des moment d'ennui et d'oisiveté qui sont aujourd'hui mal vu dans notre société. C'est notamment dans ces moments là que nous pouvons prendre le temps de contempler, penser, de réfléchir et de créer des choses dans le but même de prendre du plaisir de faire les choses, sans se préoccuper d’une quelconque pression de rentabilité de temps ou d’argent.
Ce dernier point est d'ailleurs peut-être primordial, car nous sommes aujourd’hui dans une société tournée vers l’action et le mouvement justement au détriment de la réflexion qui peut nous permettre de prendre du recul sur nos actions et notre façon actuelle de vivre et de faire les choses.
Nous pouvons alors renverser le récit de notre société où ce qui devient important voire source de réussite n’est non plus une course à la consommation et la croissance économique qui est bien souvent destructrice pour notre planète et dont que certains artistes véhiculent également par le monde de vie, mais une façon humaine d’habiter le monde. Nous parlons véritablement de changer alors nos imaginaires.
Mais il faut aussi remettre un peu de logique dans tout ça. Si nous reprenons le cas du Hellfest, est-ce qu’organiser un aussi gros festival sous des chaleurs aussi fortes est judicieux ? Ne faudrait-il pas le programmer plus tôt dans l'année par exemple ? Ou le réduire et le programmer en soirée plutôt que toute la journée ? Toujours d'après l'article de Telerama, le laboratoire d’idées français The Shift Project indique que réduire les jauges d'un festival de 280 000 spectateurs à dix festivals de 28 000 personnes, contribuerait à réduire de 20 ou 30 fois son bilan carbone.
Les conséquences si le monde de la culture n'évolue pas
Il est essentiel aussi pour le monde la culture de repenser son mode de fonctionnement car c'est un milieu hyper consommateur entre le bilan carbone des salles de spectacles, la consommation sur internet ou encore le déplacement des spectateurs pour ne citer que cela. Conséquence de cela ? Si il n'y a pas de transition faite, la culture sera la première sacrifiée à l'image de ce qu'il s'est passé pendant la pandémie du Covid. Les activités culturelles partagées comme le cinéma ou spectacle vivant ont été jugées “non essentielles”. Cela peut aussi avoir une conséquence sur notre porte monnaie car les salles sont très dépendantes des énergies fossiles et avec la hausse des prix actuelle, si il n'y a pas de transition, cela pourrait se faire ressentir sur le prix des places par exemple.
Il est important de pousser la réflexion aussi loin et de ne pas juste se contenter de trouver une solution de produire autrement car nous pensons vraiment que c'est vers un modèle de changement de société que nous devons tendre.
Dans ce contexte, le développement durable n'est pas une solution car il résulte d'être toujours en croissance et donc de garder ses effets néfastes et destructeurs et en faisant croire que la production et le produit final est plus écologique, c’est cette logique que nous retrouvons par exemple avec voitures électriques.
Sur un gros festival, ce n'est pas le fait d'avoir des gobelets réutilisables et éco responsables qui va changer la donne.
Notre rapport au monde et à la nature doit évoluer pour aller dans le bon sens. Nous sommes notamment aujourd'hui, dans une vision naturaliste où nous voyons la nature comme une ressource à exploiter. C'est une vision qui doit évoluer pour retrouver un équilibre.
Cette réflexion est importante car nous ne voulons pas forcément non plus un monde où il n'y a plus d'initiatives personnels et où tout est contrôlé et ni forcément retourner à l'âge de pierre pour caricaturer nos propos, mais il faut des choses raisonnées. Peut être privilégier des petits acteurs et des produits qui tiennent dans le temps.
Alors, pouvons nous vraiment inverser la tendance alors que nous sommes habitués à un tel niveau de confort ? Mais par contre sommes nous prêt aussi à vivre dans un monde sans culture ?
Nous présentons dans cette vidéo un axe de réflexion sous la logique économique mais nous avons conscience que le fait de vouloir organiser de gros événements, et de développer des gros projets, ne repose pas seulement sur la seule volonté de gagner de l'argent. Il y'a peut y avoir l’envie, comme cela peut être le cas avec le Hellfest de créer une vraie scène pour une culture sous-représenté en France, ce qui est tout à fait louable mais il peut y avoir aussi par exemple une part d'égo que nous avons tous et qui nous pousse à vouloir être plus puissant que son voisin par exemple. C'est un axe plus psychologique à développer.
Dans nos interrogations quotidiennes sur la place de l’émerveillement dans nos sociétés, aborder ces questions est crucial surtout quand elles touchent un milieu que nous affectionnons. Nous dénonçons et combattons depuis le début tout ce qui touche à notre santé mentale et qui affecte donc notre capacité à observer le monde mais de l’autre côté, comment l’observer si nous continuons à la détruire ? Les deux vont ensemble.
Nous laissons beaucoup de questions en suspens car les solutions ne sont pas simples, mais dites nous en commentaires comment vous aimeriez faire évoluer tout ça ?
Nous vous invitons grandement à lire l'article de bonpote.com car quelques pistes intéressantes sont mentionnées.
Sources et crédits photos
https://bonpote.com/peut-on-separer-le-bilan-carbone-de-lartiste/#:~:text=Dans%20le%20rapport%20D%C3%A9carbonons%20la,carbone%20par%2030%20%C3%A0%2050.
https://www.slate.fr/story/229970/hellfest-feminisme-ecologie-facade-neonazis-culture-viol-engagement-militant-politique-festival
https://www.rollingstone.fr/la-tournee-de-coldplay-a-failli-ne-pas-se-faire-pour-des-raisons-financieres/
https://www.sortiraparis.com/scenes/concert-musique/articles/93202-hellfest-2023-a-clisson-voici-le-programme-complet-et-les-horaires-des-concerts
https://dusunbil.com/bertrand-russell-calismak-abartilmis-bir-erdemdir/
https://www.elle.fr/Loisirs/Musique/News/Le-Hellfest-n-a-jamais-ete-un-festival-politise-le-directeur-assume-la-presence-d-artistes-contestes-4133567